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Benjamin Laurent

"La situation des adultes TDAH est difficile en France"

Dernière mise à jour : 20 sept.

5 Questions à Claudine Casavecchia présidente d’HyperSupers TDAH France


Le 24 septembre, l'association Hypersupers TDAH France, présente au ministère de la santé, sur invitation de la délégation interministérielle pour les Troubles du Neuro-Développement (TND), un film entièrement produit par elle.

"TDAH adulte" réalisé par Cortex Média dresse le portrait des adultes vivant avec un TDAH en France. Un film émouvant à retrouver sur cortex-media.tv


Un homme à l'air pensif dans un couloir d'hôpital. Il est assis et regarde dans le vide
Philippe - Témoin du film "TDAH Adulte"

Cortex Média : Quelle est la situation aujourd’hui des adultes TDAH ?

Claudine Casavecchia : La situation des adultes TDAH est difficile en France. Notre étude de 2020 a mis en lumière qu’il s’écoule 15 ans entre les premières difficultés et le diagnostic[1]. Moins de 10% des personnes interrogées ont obtenu un diagnostic durant leur enfance. L’accès au diagnostic est un vrai parcours du combattant, le parcours n’est pas identifié[CG1] . Les personnes ne savent pas à qui s’adresser. De plus, peu de spécialistes sont formés au TDAH et à la diversité de son expression individuelle. Quand les personnes ont enfin un contact, souvent par le biais de notre association, la plupart des spécialistes refusent les nouveaux patients, faute de place. Le départ à la retraite de nombreux praticiens aggrave ces difficultés.


C’est un TND qui reste encore méconnu, voire inconnu de beaucoup de professionnels de santé. Les adultes nous relatent des années d’errance médicale, de faux diagnostics, de consultations multiples non satisfaisantes avant d’arriver au TDAH. Un diagnostic qui arrive souvent par hasard ou grâce à leur détermination, ou au diagnostic de leur enfant.


Pourquoi la question des adultes TDAH a-t-elle mis du temps à émerger dans les politiques sanitaires ?


CC : Rappelons que la reconnaissance du TDAH de l'adulte est récente au niveau international et date du DSM-5 soit de 2013, longtemps la classification du TDAH parmi les troubles de l'enfance laissait penser que le TDAH ne concernerait pas les adultes. Il semble qu’actuellement, l'une des difficultés d’accès au diagnostic des adultes vivant avec un TDAH en France réside dans l’organisation du système public de psychiatrie de proximité, et plus précisément à ces difficultés pour reconnaitre l’existence des troubles neurodéveloppementaux. La France a pris beaucoup de retard sur tous les TND, en raison de l’omniprésence d'idéologies psychanalytiques retardant l’accès au diagnostic, et faisant porter tout le poids du dysfonctionnement de la personne sur ses parents, son enfance. En dépit de la présence de 345 centres médico-psychologiques (CMP) sur l’ensemble du territoire, seuls 5% des diagnostics rapportés dans notre enquête 2020 ont été obtenus par l’intermédiaire de ces CMP[2]. Il faut construire des réponses pour les adultes TDAH, il n’existe rien ou presque et les adultes sont 3 fois plus nombreux que les enfants : 1 500 000 adultes concernés. Le TDAH est mieux connu aujourd’hui, les demandes de diagnostic s’accroissent, sans réponse satisfaisante malheureusement dans la plupart des cas.      

       

Quelles sont les orientations des politiques publiques prioritaires selon HyperSupers TDAH France ?


CC: La situation des personnes vivant avec un TDAH se dégrade aujourd’hui de manière préoccupante, en raison :

  • de consultations spécialisées saturées ou fermées aux nouveaux patients.

  • du départ en retraite de nombreux praticiens libéraux.

  • du défaut de formation des professionnels de santé à ce trouble.

  • de l’absence d’une organisation des soins structurée pour ce trouble.

  • de l’absence de Centres Ressources labellisés pour le TDAH.

  • du défaut de prise en compte des difficultés des personnes TDAH à l’école et dans l’emploi.

  • Et de ruptures récurrentes des stocks du seul traitement autorisé aujourd’hui en France :

    le méthylphénidate.


En ayant contribué à l’élaboration de la nouvelle stratégie nationale 2023-2027 sur les TND pour la partie TDAH, et sollicité les prochaines recommandations de bonne pratique de la HAS, nous avons pu mettre en exergue toutes ces difficultés de parcours, tant pour l’accès au diagnostic que pour une prise en charge correspondant aux besoins de la personne (une personne = un parcours de soin). Nous sommes actuellement entendus et nous saluons les orientations prises qui sont en cours d'élaboration.


Pourquoi est-il important pour l’association de faire un documentaire sur les adultes TDAH ?


CC: Ce sujet concernant un grand nombre de personnes en France (1,5 Millions). Il s'agit d'un problème de santé publique, souvent sous-estimé dans toute sa dimension[CG2] . Le TDAH est un processus vie entière ; il affecte la vie scolaire, la vie affective, la vie professionnelle, la vie sociale. Ce n’est pas un détail, une anecdote dans un parcours de vie. Il nous a paru essentiel de donner la parole à des adultes TDAH pour qu’ils expriment l’impact et le retentissement de leur trouble dans leur trajectoire de vie, la diversité des symptômes et de leurs conséquences, la souffrance vécue souvent non exprimée. Il y a sûrement plusieurs façons d’aborder ce sujet : nous avons choisi cet angle du témoignage intime, comme nous l’avions fait pour notre premier documentaire sur l’enfance « Plongez en Nos Troubles ». C’est essentiel que tous, nous comprenions les enjeux de cette reconnaissance du trouble et de sa prise en charge.


Quelles sont les prochaines échéances pour les adultes TDAH ?

La prochaine grande étape est la construction des recommandations de bonne pratique par la Haute Autorité de Santé pour les adultes TDAH. Nous avons saisi la HAS en 2019 sur ce sujet inquiétant, et nous avons été entendus en 2021. Le groupe de travail devrait commencer en début d'année 2025, définissant ainsi officiellement le cadre des pratiques professionnelles, de ce qui doit être fait, par qui, comment, de ce qui fonctionne, en écartant les soins sans preuves scientifiques probantes souvent inutiles et couteux.


Retrouvez la lettre de saisine de la HAS en cliquant ici



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