Sur les cinq dernières années, de nouvelles formes de thérapie ont fait leur apparition. Plus d’écoute, prévention au niveau familial, accompagnement des patients… Le milieu médical s’est adapté pour une meilleure prise en charge des patients. Point sur l’évolution de la recherche de la prise en charge des TCA.
Une prise en charge pluridisciplinaire
Pour soigner, il faut d’abord diagnostiquer. L’imaginaire commun a intégré le diagnostic comme l’œuvre d’un médecin seul dans son bureau qui d’un seul coup d’œil a la capacité de fournir une explication à un patient reconnaissant.
Un imaginaire loin de la réalité, comme le détaille Stéphane Billard, psychiatre, addictologue et médecin référent au centre TCA du Finistère Sud. « Je travaille avec une équipe de plusieurs spécialistes : médecin nutritionniste, pédiatre, diététicien, psychologue, professeur de sport... et ensemble on mène une évaluation pluridisciplinaire des patients. On détermine le meilleur parcours de soins à adopter pour chaque patient. On travaille toujours en équipe - peu importe le trouble - pour la coordination du parcours » poursuit-il.
Un travail d’équipe qui permet de mieux comprendre la maladie et la traiter dans sa globalité avec une approche plus systémique : « Par exemple, avant, le premier réflexe contre l’anorexie, c’était d’interdire de bouger. Mais maintenant on réintroduit peu à peu le sport, avec une activité physique adaptée parce que ça permet de diminuer les tensions, l’angoisse et d’améliorer l’image de soi. On réintroduit la sensation de bouger pour se faire plaisir, et pas pour perdre des calories. Et c’est pour ça que les professeurs de sport sont intégrés dans le traitement des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) » nous explique Stéphane Billard.
Un changement de point de vue sur le rôle des familles
Pendant de longues années, le dogme dominant interdisait aux familles les visites aux personnes hospitalisées pour anorexie. Depuis, les chercheurs et médecins se sont aperçus que l’implication de la famille dans le processus thérapeutique était cruciale pour le rétablissement du patient. La présence familiale offre une meilleure compréhension des réactions des patients et de leurs processus internes, permettant ainsi un accompagnement plus efficace.
« Depuis 5 ans, on intègre la famille dans le processus de thérapie. On observe un effet extrêmement positif sur les patients : ils vont se remettre en forme plus rapidement et avec surtout moins de rechutes » précise le docteur Billard. « Avec des taux de rechutes pouvant aller à 40% des patients, l’anorexie fait partie des maladies les plus difficiles à prendre en charge ».
Thérapies de groupe
Les recherches ont également mis en évidence le rôle positif de la famille sur certaines comorbidités de l’anorexie. En effet, chez plus de 95% des patients, on retrouve une mauvaise estime de soi, une perte de confiance, des troubles de l’humeur, des épisodes dépressifs. La présence de la famille permet d’améliorer la connaissance de ces symptômes.
Les familles sont également mieux informées sur les conduites à tenir avec leur(s) proche(s). Elles deviennent des aidants familiaux et bénéficient, pour certaines, de programmes de pair-aidance. Les patients bénéficient également de ces programmes d'échange entre personnes concernées, qui leur permettent de discuter autour de leurs expériences de vie. Ces groupes voient les médecins s’effacer aux profits des échanges entre patients.
« C’est bénéfique pour eux de voir que d’autres ont les mêmes problèmes qu’eux et qu’ils ne se sentent pas seuls, ils trouvent des solutions entre eux, des ateliers pour en discuter: prise en charge pluridisciplinaire, travail sur l’estime de soi, rencontre avec d'autres patients... C’est important aussi de ne pas passer que par des soignants pour qu’ils découvrent des solutions par eux-mêmes » appuie le docteur Billard.
Un changement de regard sur les TCA
De récents progrès dans le traitement des troubles alimentaires ont permis de mettre en lumière les manquements au sein des soins médicaux. C’est le constat que fait Danielle Castelotti, présidente de la fondation Sandrine Castelotti, engagée dans la prévention et le diagnostic des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) : « Dans les années 80, on avait un tiers de guérison, un tiers de chronicisation et un tiers de morts pour l’anorexie ».
Aujourd’hui, les chiffres sont plus optimistes. En 2020, l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) déclarait que « deux tiers des patients guérissaient après cinq ans d’évolution de la maladie ».
« La perception assez ancienne des TCA connaît aujourd'hui un changement et une évolution. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, c’est important de continuer à communiquer dessus » ajoute Stéphane Billard.
La parole autour de ces troubles s’est également libérée, et même si les jeunes patients peuvent être réticents à consulter, la prévention et la création d’un lien de confiance restent toujours aussi importantes.
« Lors de la première rencontre avec un patient, je fais toujours un premier entretien de motivation » décrit le docteur Stéphane Billard. « On ne dit pas à quelqu’un d’anorexique de reprendre du poids et ça va changer du jour au lendemain. Il faut qu’il trouve sa motivation interne. Parce que le patient peut avoir envie de changer, mais il a aussi de nombreuses raisons de ne pas le faire. Alors on doit le rassurer, lui expliquer ce qu’il va trouver après le changement. D’où l’importance de créer ce lien d’écoute et de confiance dès le départ ».
Ce qui est important, c’est que « l’entourage ne doit pas se comporter comme un soignant » prévient Danielle Castelotti, présidente de la fondation Sandrine Castelotti. « Les proches doivent être aidés, accompagnés, pour comprendre son enfant, quand on ne le reconnaît plus, il peut être parfois violent quand on force son enfant à manger, d’où l’importance des thérapies » poursuit-elle.
Un changement de regard, donc, qui permettra de mieux soigner cette maladie dans les années à venir.
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