En 2023, on estime qu’environ 1% de la population souffrirait d’anorexie. Les troubles des conduites alimentaires (TCA) restent encore aujourd’hui difficiles à repérer. Les raisons à ce manque de repérage précoce sont nombreuses. L’anorexie est une maladie qui se développe de manière progressive et subtile. L’entourage peine à se rendre compte des modifications de comportement et le sujet reste tabou dans de nombreuses situations.
Reportage sur une maladie en mutation.
Un trouble de plus en plus précoce
Alors que l’âge moyen des premiers troubles alimentaires se situait généralement vers 14 ans, de nombreux médecins font le constat d’un rajeunissement de la population touchée par la maladie. Si l’on n’a pas encore d’explications fiables concernant le phénomène, plusieurs facteurs semblent jouer :
- Les normes de beauté et l’apologie de l’anorexie faites sur les réseaux sociaux. Il faut aujourd’hui 30 min sur TikTok pour être confronté à un contenu faisant l’apologie de l’anorexie selon une étude du Centre pour la lutte contre la haine numérique.
- L’apparition de troubles psychologiques (dépression et anxiété), facteurs de TCA de plus en plus précoces. L’INSERM, dans une étude récente, a évalué que le début des troubles anxieux se situe vers 11 ans contre 15 ans dans les dernières décennies.
Les médecins font alors face à de nouveaux défis, et doivent constamment s’adapter pour rester à l’écoute de leurs patients et trouver des solutions communes. « Je reçois des patientes de plus en plus tôt aujourd’hui, dès l’âge de 11 ans, j’ai des jeunes filles qui viennent pour anorexie extrême » nous explique le docteur Stéphane Billard, psychiatre et addictologue au centre TCA du Finistère du Sud.
Une situation qui oblige les médecins à travailler différemment : « Aujourd’hui on veut éviter le plus possible la rupture de soins entre la pédiatrie et les médecins traitants. On fait en sorte que le service pédiatrie accompagne encore les patients devenus adultes vers les nouveaux spécialistes qui vont les prendre en charge, pour les rassurer et leur donner confiance », précise Fanny Pirondon, diététicienne en pédiatrie au CHU Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu.
Prise en charge de plus en plus tardive
Paradoxalement, la prise en charge se fait plus tardivement.
Entre l’apparition des premiers signes et la consultation d’un spécialiste, « il peut se passer entre 6 mois et un an » précise Fanny Pirodon, diététicienne en pédiatrie au CHU Pierre Oudot de Bourgouin-Jallieu.
« Quand ils viennent consulter, les troubles sont déjà bien installés. Au début les parents ne font pas la différence entre ‘perte d’appétit’ et ‘anorexie’, c’est pour ça que le diagnostic met du temps à se faire. Ils commencent à consulter plusieurs spécialistes comme des gastro-entérologues, puis quand les filles n’ont plus leurs règles, c’est comme ça que le diagnostic s’impose » ajoute-t-elle.
Et le même phénomène s’observe pour la boulimie. « Pour l’anorexie, la perte de poids drastique est assez visible, mais dans le cadre de la boulimie, et principalement de l’hyperphagie boulimique, on a parfois un retard de 20 ans pour le diagnostic. Parce que les patients font des crises alimentaires cachées, ils ont honte d'en parler, ils ignorent le problème. C’est seulement vers 35 - 45 ans, qu’ils se rendent compte qu’il y a un souci et qu’ils viennent nous en parler » déclare le spécialiste de ces troubles, Stéphane Billard.
Les conséquences d’un diagnostic tardif sont bien souvent dramatiques pour les patients. En 2022 une étude de l’Inserm rappelle que le diagnostic tardif des TCA entraîne une installation durable de la maladie.
C’est tout le paradoxe des troubles du comportement alimentaire. Moins le patient s’alimente, plus le cerveau est touché et plus il est difficile de l’accompagner vers la guérison. Les différents traitements sont également moins efficaces.
Sur le plan physique une anorexie durable va entraîner des complications cardiaques, des troubles métaboliques entraînant des troubles psychiatriques...
TikTok, l’ennemi visible
Alors que les TCA sont une maladie difficile à prendre en charge pour les spécialistes, un nouvel acteur s’est invité dans le débat : TikTok
« On ne peut pas en tant que soignant aujourd’hui, ne pas intégrer les réseaux sociaux dans la prise en charge » déclare Stéphane Billard, psychiatre spécialiste de ces troubles.
« On a vu de plus en plus de challenges apparaître sur les réseaux sociaux, surtout pendant la période du confinement, donc ça c’est une adaptation en plus à laquelle on doit s’habituer et se préparer pour en discuter avec les patientes principalement » poursuit-il.
Earphone waist challenge, belly button challenge, A4 waist challenge... tous plus dangereux les uns que les autres, des milliers de vidéos de ces challenges pullulent sur le réseau social.
En conclusion
La recherche a fait un bond en avant sur les TCA, mais cela reste une maladie difficile à appréhender. Les dernières études tendent à montrer que les TCA seraient un phénomène addictif. Trop manger, se priver de manger agirait sur le cerveau comme un phénomène addictif. Une découverte qui modifie complétement la perception du trouble et qui, espérons le, permettra de guérir à l’avenir plus de patients.
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