Auteur : Sandrine Brotons - Rédactrice en chef de Cortex Média
L'IMPORTANCE DU TRAVAIL POUR LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP 2/4
Actuellement, une personne en situation de handicap (physique, mental ou maladie chronique) a trois fois plus de difficultés à trouver du travail. Dans ce dossier nous explorons comment travailler en étant en situation de handicap.
La stigmatisation : une entrée difficile dans le milieu du travail.
Armand Thoinet n’avait que 14 ans quand son corps a commencé à lui échapper. « J’ai préféré ne pas chercher à comprendre ce qui m’arrivait. J’avoue, c’était très compliqué mais j’ai réussi à décrocher mon bac en me consacrant qu’à mes études. Je suis entré ensuite dans une école d’ingénieur à Saint Etienne mais au bout de 3 mois, j’ai abandonné. C’était vraiment trop dur pour moi : entre changer de ville, une coloc qui se passe mal et une école qui ne me plaisait pas. En janvier de l’année suivante, j’ai pu me réorienter en génie civil dans un IUT ». A 19 ans, le diagnostic tombe, Armand est atteint d’une sclérose en plaques. « J’étais complétement déboussolé, mais la poursuite de mes études m’a permis de maintenir la tête hors de l’eau. Ça me permettait de ne pas penser à ma maladie. Néanmoins, les symptômes commençaient à se voir et comme je ne supportais pas le regard des autres sur moi, je me suis complétement isolé du monde extérieur. Après ma licence, il fallait que je rentre dans la vie active. A cette période de mon existence, je n’étais pas du tout motivé, il y a 10 ans, le handicap était mal perçu dans le monde du BTP. Aucune notion d’inclusion ! Pendant deux ans, j’ai cherché du travail sans vraiment chercher. Ça m’allait bien comme ça, rester en retrait du monde extérieur. La seule envie que j’avais, était de reprendre le sport pour m’échapper un peu ».
Aujourd’hui, Armand a 30 ans. Il a réussi à reprendre confiance en lui. Dans un premier temps, en se lançant des défis sportifs et dans un second temps en passant un diplôme universitaire en démocratie en santé. « Ce diplôme me permet d’être reconnu en tant que Patient Intervenant et aujourd’hui, je peux vivre des interventions que je fais dans des établissements scolaires, médico-sociaux, universitaires… »
Hélas, beaucoup de jeunes n’arrivent pas à rebondir comme Armand qui nous confie que c’est très difficile de se projeter positivement dans l’avenir lorsqu’ une maladie chronique ou un handicap s’impose dans une vie.
Christian Grapin, directeur de Tremplin Études-Handicap-Entreprises nous indique dans le Journal des Grandes Ecoles et Universités de 2017 qu’il existe une très grosse rupture entre les études secondaires et les études supérieures. Il précise que les jeunes s’autocensurent alors qu’ils ont les capacités d’aller plus loin dans leurs parcours étudiants.
Dans une tribune parue en juin 2022 dans « Le Monde de l’éducation », le Président de l’Université Lyon 3, Eric Carpano, dénonce un dysfonctionnement majeur de Parcoursup pour les élèves en situation de handicap. « Avec Parcoursup, les élèves en situation de handicap sont confrontés à un parcours du combattant. » Dans la sélection des vœux émis par les jeunes, plusieurs critères rentrent en compte, le fait d’être boursier, le lieu de résidence. En revanche, le critère du handicap n’est pas un critère prioritaire. Les familles dont l’enfant est en situation de handicap sont donc amenées à réaliser de nombreux recours devant les commissions.
Monsieur Eric Carpano demande que « le handicap devienne un critère prioritaire avant tous les autres » ainsi les futurs étudiants en situation de handicap « pourront poursuivre leurs études, accéder à leur formation, s’émanciper par le savoir et par les études. »
Beaucoup de jeunes en situation de handicap sont orientés vers des SEGPA ou vers l’enseignement professionnel, alors qu’ils ont le niveau pour faire des études supérieures.
87% d’entre eux pensent que le handicap est l’obstacle majeur pour leur avenir. Au problème de la localisation géographique des établissements (grande dépendance vis à vis de leur famille, difficulté pour les parents à se séparer de leur enfant) se rajoute un grand manque de confiance en soi.
Ce manque de confiance en soi est encore plus présent chez les adultes à qui on vient de diagnostiquer un Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH). Pourtant ces personnes ont un niveau d’études supérieur à celui de la population générale. La présidente de l’association TDAH France HyperSupers, Christine Gétin souligne que ces personnes ne restent pas plus de 2 ans dans leur travail et le quittent rapidement sur un coup de tête. « Elles ont tellement été humiliées qu’au moment du diagnostic, une honte les envahit. Elles ont déjà tellement souffert, qu’elles baissent plus facilement les bras. Espérer, c’est le risque de se faire une fois de plus humilier ».
Les adultes TDAH, ajoute Christine Gétin, répondent toujours oui quand on leur demande si elles auraient souhaité être diagnostiquées plus tôt. « Elles auraient pu mieux se comprendre et être mieux comprises. Elles auraient pu tenir compte de leurs particularités pour choisir un métier adapté ».
Les personnes porteuses de ce trouble réussissent mieux dans les métiers créatifs (dessin, informatique, politique), les métiers à risques ou de l’urgence (pompiers, militaires, infirmières) ou les métiers indépendants (médecins, avocats). Celles qui ne sont pas diplômées errent de petits boulots en petits boulots ou sont au chômage. Christine Gétin affirme que les idées fausses qui circulent sur le TDAH stigmatisent les personnes concernées, réduisent la crédibilité des professionnels et entravent ou retardent les traitements.
Dans l'article 3 découvrez si la discrimination et les préjugés sont les seuls responsables.
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Nos sources
AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. www.agefiph.fr
FIPHFP : Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. www.fiphfp.fr
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